Plume doigt

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[Réflexion] Le Trône de fer (auteur : Georges R.R. Martin) : L'endiguement progressif de la violence mondiale grâce à des sacrifices pour la paix

Remarque préalable : Cet article est le fruit d'une réflexion nourrie en grande partie par la foi chrétienne.

 

Certains me diront sans doute que je fais trop dans le mainstream, mais il m'est venu l'idée d'écrire ce nouvel article en me basant sur Le Trône de fer de Georges R.R. Martin.

Une série romanesque adaptée en série TV qui connaît aujourd'hui une popularité monstre auprès du public. En avril commencera la dernière saison qui cloturera l'épopée. On peut dire que je choisis bien mon moment. Mais commençons par résumer rapidement de quoi parle cette histoire pour ceux qui ne connaissent pas.

Le Trône de fer raconte l'épopée d'un continent unifié sous la forme d'un royaume sur une période de plusieurs années. Une véritable guerre de succession démarre rapidement, chaque prétendant accusant les autres d'être un usurpateur et tentant de se saisir du pouvoir par la force des armes. Trahison, tromperie, mensonge sont monnaie courante à la cour, et les personnages narrateurs importants sont susceptibles de mourir à tout moment. La violence dans son expression la plus primaire est donc de mise. L'homme est un loup pour l'homme. Certains tentent bien de se comporter dignement, voire avec noblesse, mais la majorité perverse, envieuse, et avide de pouvoir ne leur facilite pas la tâche.

 

Il est facile de voir en lisant cette série que Georges Martin a fait de sa série une réflexion sur le pouvoir, et l'attrait que celui-ci exerce sur les hommes. Son point de vue est plutôt sombre. L'homme apparaît comme un animal doué de raison, ce qui le rend encore plus dangereux. Il ne recule devant rien pour assoir sa domination sur les autres. Et si l'auteur met l'emphase sur le pouvoir politique, le pouvoir religieux ainsi que le pouvoir financier et le pouvoir scholastique n'échappent pas non plus à son écriture.

L'argent est un outil de pouvoir. Le savoir est un outil de pouvoir. Les religions sont des outils de pouvoir. Et le peuple n'est bon qu'à faire les frais de ceux qui s'en servent pour leur bénéfice personnel.

Heureusement, certains personnages s'élèvent au-dessus de ces attitudes bestiales. Quelques personnages se comportent avec honneur et intelligence de l'esprit et du coeur. Certains ont de la compassion pour autrui. Et ce qui est intéressant à noter, c'est que tous ses personnages "bienveillants" ont tous été des victimes de quelque chose : leur physique disgracieux (Tyrion Lannister), leur naissance bâtarde (Jon Snow), des membres de la famille persécuteurs (Daenerys Targaryen), un membre de la famille tué de façon horrible (Ned Stark), etc.

Cependant, ils n'échappent pas à leur condition ou à leur sort. Ned Stark est tué. Tyrion Lannister se venge de sa famille. Daenerys Targaryen met à feu et à sang des villes entières. Tous sont des êtres humains. Tous sont faillibles.

 

Une série qui rescussite une atmosphère du Moyen Âge où les puissants se comportaient avec violence. Où les hommes étaient durs et se battaient régulièrement. Une époque où les troubles et les guerres étaient considérées comme inévitables, normales.

Et c'est en partie à cause de ce rappel du passé très bien réussi que la série a pu connaître une si complète popularité. Du moins, c'est ce que je crois. Et c'est sur ce phénomène que j'aimerais m'attarder : la fascination pour ce passé si ouvertement violent.

 

Si l'on compare avec le passé, il est indéniable que la société mondiale est devenue plus douce dans sa façon de penser. Je ne veux pas dire par là que la violence a cessé. Au contraire, elle n'a jamais disparu. Il y a toujours autant de guerres sur la planète. Et les moyens de les mener sont devenues effroyables. Cet adoucissement est donc très contestable dans la pratique. Cependant, j'estime qu'elle est néanmoins manifeste.

La torture par exemple n'est plus ouvertement admise. Comparé à seulement trois siècles plus tôt où les exécutions violentes étaient encore montrées au peuple, les temps présents semblent extrêmement paisibles. Les peuples de l'ancien temps n'hésitaient pas à utiliser le démembrement. On tuait de façon horrible, et de façon extrêmement inventive.

Encore une fois, bien entendu la torture est toujours pratiquée. Seulement, il est maintenant couramment admis que la torture et toute tuerie sanglante est mauvaise et réprouvée. Autrefois, c'était simplment normal.

Les effusions de sang étaient normales. Aujourd'hui, faire couler le sang est anormal.

Je pense que certains regrettent cette époque, non pas ouvertement, mais inconsciemment. La violence permise dans le passé permettait de se défouler plus facilement. Aujourd'hui, le défoulement est plus restrictif : on fait du sport, on emploit des drogues, on se bat comme des chifonniers, ou l'on pète des cables...

Le Trône de fer vient nous montrer la violence en nous que la société ne tolère plus ouvertement, et à juste titre. D'où une certaine fascination. Car si la violence est maintenant réprimée, elle n'est plus non plus assumée. On cherche désormais à se montrer sous un jour positif. On veut se montrer comme un défenseur de la paix, de l'environnement, de la justice et des droits de l'homme. Seulement, avec autant de violence contenue que l'on refuse de voir, comment se comporter pacifiquement ? Mais cela est une autre histoire.

 

Ce qui m'intéresse ici, c'est le processus historique que l'humanité à traversé à travers les époques où la violence a progressivement été restreinte, endiguée, embourbée. D'où cela vient-il ? Je ne crois pas pour ma part que l'homme, par sa volonté seule, a réussi le tour de force de mettre des restrictions progressives à sa colère et à sa haine de lui-même.

Je crois pour ma part que l'origine de cet endiguement progressif de la violence est à chercher dans le sacrifice d'une personne en particulier : la personne à l'origine de la figure messianique, Jésus-Christ.

Que l'on soit clair tout de suite. Bien que mes opinions sur la personne de Jésus orientent forcément mes réflexions, j'aimerais que chaque lecteur soit suffisamment ouvert d'esprit pour lire mon raisonnement jusqu'au bout sans me cataloguer dans la case du "religieux naïf et illogique". Je vous remercie.

 

Admettons en premier lieu que la vie de Jésus s'est déroulée telle que l'on nous l'a racontée. Son sacrifice est le point de déparrt de ce que j'appelle "l'endiguement progressif de la violence". Après sa crucifixion en effet, l'Église chrétienne a fait son apparition. Ses apôtres ont commencé à répandre son enseignement à travers le monde. Tout cela nous le savons tous. Les différentes églises chrétiennes de notre temps en sont le témoignage. Mais que contient son enseignement ? Un message de Paix et d'Amour de son prochain. Tu pardonneras à ton frère. Celui qui se met en colère contre son prochain devrait lui aussi passer en tribunal, etc. Si cela était suffisant pour endiguer la violence, alors cela ferait bien longtemps que l'humanité serait devenue pacifique. Après tout, le nombre de personnes qui ont enseigné la paix, ou qui ont défendu une idéologique pacifique avant comme après Jésus !

Mais il y a encore autre choses à cela. C'est le fait que ce message de Paix a été porté par des hommes et des femmes qui ont en masse accepté de donner leur vie pour lui, qu'ils soient chrétiens ou non. Il y a d'abord eu l'époque des martyrs de l'Empire romain. Ce fut l'époque où l'Église a considérablement payé de sa personne pour répandre le message. Sainte Blandine a versé son sang. Trois saints Valentin ont versé leur sang. Nombres d'évangélisateurs (les porteurs de la Bonne Nouvelle) en terre étrangère ont péri dans d'atroces souffrances. L'Évangile s'est répandu malgré la violence qui lui a été faite. Bien sûr, l'Église catholique romaine a à son tour persécuté des populations, imposé des dogmes par la force, et joué au jeu humain du pouvoir. Cela était-il le message de Paix du Christ ? Il faut dissocier institution humaine et message soit disant défendu par elle. Encore aujourd'hui, l'Église orthodoxe légitime commence à se faire persécuter par le gouvernement ukrainien, car elle refuse de se plier à quelque chose qu'on cherche à lui imposer. Et ne parlons même pas de la période communiste où de nombreux chrétiens orthodoxes ont été tués pour avoir conservé la Foi en l'enseignement du Christ. Et puis il y a eu aussi les tenants d'autres croyances, religieuses ou non. Il y a eu des musulmans. Il y a eu des bouddhistes. Il y a eu aussi des gens officiellement athés. À mes yeux, tout homme qui accepte le sacrifice de sa vie pour la Paix, l'Amour, le bien commun se rend semblable au Christ, qu'il soit chrétien ou non.

Tout ce sang versé pour un message de paix entre les hommes. Tous ces cadavres, ces vies sacrifiées pour la Foi en une humanité libérée de ces vieux démons.

Tous ces gens qui sont morts pour l'Amour seraient donc morts en vain ? À mes yeux, ce phénomène historique de l'endiguement progressif de la violence s'explique en partie par ces innombrables sacrifices qui contiuent encore aujourd'hui à se faire pour la Paix. Tout se passe un peu comme si le sang des martyrs pour la Paix avaient une propriété neutralisante sur l'espèce humaine dans son entièreté. Plus le sang innocent coule, et plus l'humanité a en horreur ce qu'elle fait.

Dernière chose à mentionner concernant le christianisme. Les liturgies/messes chrétiennes réalisées chaque dimanche partout dans le monde commémorent le sacrifice du Christ en lui dédiant un sacrifice non sanglant. Depuis deux mille ans, le Christ a été crucifié. Chaque semaine, les différentes églises commémorent cela en réalisant un rituel qui refuse de faire couler le sang. Comment cela ne pourrait-il pas avoir un impact sur l'espèce humaine ?

Le Christ, par l'ampleur de son acte, a un grand impact sur la psychée humaine, que l'on soit chrétien ou non, croyant ou non. Encore aujourd'hui, le processus d'endiguement de la violence continue, s'approfondit. Le sacrifice volontaire du Christ a été la graine d'un arbre dont les racines invisibles plongent de plus en plus profondément dans l'âme mondiale à chaque génération, modifiant imperceptiblement la société mondiale.

C'est là ce que je pense pour le moment.

 

Je terminerai ma réflexion en pointant du doigt le fait même que pour le moment, le monde inventé du Trône de fer ne montre aucun signe d'avoir connu la figure d'un Messie dans son histoire. Aucun homme ne s'est sacrifié pour l'entièreté du genre humain dans cet univers. Il n'y a pas eu que l'on sache de rédempteur. L'humanité est simplement bestiale et livrée à elle-même. Comment pourrait-elle donc connaître un affaiblissement progressif de la violence ouverte ?

Cependant, il est bien entendu que la série est encore en cours, que ce soit sous forme télévisée que sous forme romanesque. Attendons donc de voir ce que Georges Martin nous réserve.

Toujours est-il que cette série m'a permis de développer cette petite réflexion. Merci à elle.

 



18/02/2019
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